| Feuilleton :
Chapitre I : L'arrivée à Libreville
En cette fin d'après-midi du 20 juin 1975, l'avion en provenance de Paris et à destination de Libreville se présente sur la piste d'atterrissage de l'aéroport international. Après quelques minutes le vol de la compagnie U.T.A. s'immobilise enfin. Ca y est, nous sommes en Afrique.
La porte s'ouvre. Tout autour de moi les visages se détendent, voir même sourient. Certains vont revoir leurs familles, leurs amis, d'autres ne sont venus que pour affaires ou pour le travail, enfin certaines personnes viennent pour la première fois et toutes ces émotions, ces joies, se lisent sur ces dizaines de visages. Les passagers se dirigent maintenant vers la porte. Ils sortent doucement, trop doucement à mon goût. Mon impatience grandissait et à mesure que se rapprochait les retrouvailles avec mon père, l'attente devenait insoutenable; - " Mais dépêchez-vous voyons ! " me dis-je sans me rendre compte que cet empressement est typiquement parisien. Enfin nous voilà au niveau de la porte. une bouffée de chaleur nous envahit. j'ai même du mal à respirer et me retournant sur ma mère et mon jeune frère, je m'aperçois qu'ils éprouvent les mêmes sensations. Nous venions de passer de l'air climatisé de l'appareil à une température d'environ 30° avec une atmosphère lourde et pesante. Pas de doute cette fois, nous ne sommes plus en France. Ma mère, mon frère et moi même n'avons plus qu'une idée en tête: essayer de voir mon père parmi cette foule bigarrée qui se presse sur la terrasse de l'aéroport. Difficile de voir si la main de mon père s'agite, non vraiment je ne le vois pas. Nous nous dirigeons maintenant vers la douane et toutes ses formalités. Une file se forme. Les inspecteurs des douanes contrôlent minutieusement les passeports et les carnets de santé lentement, très lentement. J'apprendrais plus tard qu'en Afrique le temps ne s'écoule pas de la même façon et qu'il faut laisser le temps au temps, ici on ne s'affole pas. Je commence à m'impatienter. Une 1/2 heure passe, enfin notre tour vient. Mais qui vois-je là-bas, derrière les guichets, mais oui c'est bien lui ! Ma mère, malgré la fatigue du voyage et du décalage horaire, sourit à pleine joues en lui faisant des grands signes de la main. La fin des formalités douanières met du même coup un terme à la séparation d'une famille, séparation qui avait durée 3 mois. Mon Père est déjà un " gabonais d'adoption" par son attitude décontractée, il a bronzé et cela fait ressortir sa barbe déjà grisonnante et ses yeux clairs. Après
les retrouvailles, mon père nous dirige vers le tapis roulant afin de récupérer
nos valises. En attendant le contrôle de nos bagages par l'agent de service,
nous sourions aux élucubrations d'un passager malchanceux. Une
fois dans la voiture j'apprend que nous passerons la première nuit chez eux et
que demain seulement nous pourrons aller dans notre nouvelle maison, dans le
quartier Lalala. Jean-Christophe vivait depuis déjà quelques temps à
Libreville et avait une parfaite connaissance des lieux malgré son jeune age.
Il essaya de nous mettre en confiance en nous expliquant la vie au Gabon. En
parcourant le quelques kilomètres séparant l'aéroport du centre ville, nous
longeons l'Océan et ses magnifique plages. Au fur et à mesure que nous roulons, notre guide continue de décrire les lieux. En passant devant le palais Présidentiel , je ne sais pas encore que quelques semaines plus tard, ce lieu sera le théâtre d'une anecdote pittoresque entre Monsieur le Président Bongo et mon père, mais ceci est une autre histoire. Ce soir là, j'eu vraiment toutes les peines du monde à trouver le sommeil, et ma nuit fut remplie de rêves colorés. Ainsi s'acheva ma première journée en Afrique.
Chapitre II : le quartier Lalala
Le jour se lève sur Libreville endormie et le soleil inonde la ville de ses rayons déjà chauds. Après un copieux petit déjeuner sur la terrasse de nos amis, le moment est venu pour nous de nous rendre dans le quartier Lalala afin d'emménager dans notre nouvelle habitation dont nous ne savons rien. Grandes sont notre curiosité et notre impatience. Nous
parcourons en voiture une série de rue en terre battue plus cabossées les unes
que les autres. Les cases alentour se font au fur et à mesure plus rare, avant
que nous aboutissions devant une grille ouverte. Je regarde tout autour de moi
en descendant de voiture et je pense déjà au merveilleux moments que nous
pourrons passer ici... Cette propriété est composée de 4 cases : trois en " dur" et une, traditionnelle, en torchis. Soudain, un homme d'une cinquantaine d'années sort de la deuxième villa. Quand mon père s'avance pour lui serrer la main, je comprend qu'il s'agit de Monsieur Lambert, le propriétaire des lieux. Après quelques minutes de discussion, il nous donne les clés de notre nouvelle demeure. C'est
une maison " à l'européenne", plutôt grande et de plein pied.
Depuis notre arrivée mon attention est attirée par les fenêtre. Celle ci sont
remplacées par d'étrange lamelles de verres. Mon père m'explique que cela
s'appel des " nacos" et qu'ici toutes les fenêtres sont ainsi.
L'intérieur est sobre avec le stricte minimum en meubles, ce qui donne aux
pièces un effet d'immensité. Quand tout à coup c'est au tour de mon frère de
s'interloquer et de demander au paternelle : " Dis papa, où sont les
interrupteurs?...et les prises de courant" Effectivement la lumière va nous être fournie par une lampe à pétrole, liquide précieux qui sera également utilisé pour le réfrigérateur. Dans
l'après-midi, je fais la connaissance du fils du propriétaire : M'ba-Jean. Il
a 11 ans, comme moi, et nous devenons rapidement amis. Au programme du jour :
visite guidée des alentours. M'ba-Jean nous présente, Christophe et moi, à sa
grand-mère, qui vit dans la maison en torchis proche de la notre. C'est une
petite femme usée prématurément par les dur travaux. Son torse nu dévoile
des seins plats et démesurément longs, qu'elle rabat sur ses épaules dès
qu'elle attaque des travaux ménagers. Dans sa cuisine, il n'y a que quelques casseroles
et un feu de bois à même le sol en terre battue. Cette première journée fut riche de jeux et de joie.
Pendant la nuit, je suis saisi d'une soif terrible et je me rend devant le réfrigérateur sur lequel est placé une bouteille d'eau minérale... ...A la première gorgée, je m'aperçois que cette bouteille contient en fait la réserve de pétrole pour le frigo. Immédiatement je recrache ce liquide pétrolifère dans l'évier et me précipite sur une véritable bouteille d'eau pour supprimer ce goût horrible. Je bois tout mon saoul en jurant, " mais un peu tard" qu'on ne m'y reprendrait plus !
Le temps passe avec chaque jour de nouvelles découvertes. Je ne sais si c'est l'Afrique qui m'apprivoise ou l'inverse, mais je me sens de plus en plus à l'aise dans ce Gabon aux mille couleurs. Mon frère, M'ba-Jean et moi n'en finissons pas de jouer avec les choses les plus simples du monde telles que quatre bouts de bois et une ficelle... Malgré la nostalgie des copains laissés en France, à sept mille kilomètres d'ici, cette nouvelle vie comblait ma soif d'aventures. Et Dieu sais que nous avions besoin de vivre mille et une choses pour tenter de nous faire oublier la tristesse qui avait précédée de quelques mois notre départ. En effet 4 mois plus tôt l'un de mes frères, Didier avait succombé à une crise cardiaque à l'age de 18 ans. Lui qui était si fragilisé par son asthme et ses cures à répétitions n'aura pas eu le temps de connaître sa vie d'adulte. Bien que 27 ans après il n'y a pas un jour ou je ne pense à lui, je dois reconnaître que ce départ aux antipodes de la France fut sans conteste la meilleure des thérapies. A Suivre
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